Afghanistan : l’interdiction de l’accès à l’université est « un nouveau coup épouvantable porté aux droits des femmes »

UNAMA/Fraidoon Poya
Des étudiantes afghanes se tiennent debout pour prononcer le serment de fin d'études lors de la cérémonie de remise des diplômes dans une université de Herat, en Afghanistan.
Les nouvelles restrictions étendues à l’éducation des femmes en Afghanistan sont « un nouveau coup épouvantable et cruel porté aux droits des femmes », a dénoncé mercredi le Chef des droits de l’homme de l’ONU.
Selon le Haut-Commissaire, cette suspension constitue une violation flagrante des obligations de l’Afghanistan en vertu du droit international.
« Le droit des femmes et des filles à accéder à tous les niveaux d’éducation sans discrimination est fondamental et incontestable », a-t-il dit.
Les autorités talibanes ont annoncé mardi que les universités afghanes étaient désormais interdites aux filles, déjà privées d’enseignement secondaire en Afghanistan depuis l’accession au pouvoir des islamistes.
Une exclusion systématique sans équivalent dans le monde
Le Chef des droits de l’homme appelle donc les autorités afghanes de facto à revenir immédiatement sur cette décision et à respecter et faciliter pleinement le droit des femmes et des filles à accéder à l’éducation à tous les niveaux. « Pour leur bien et pour le bien de l’ensemble de la société afghane ».
Plus largement, « l’exclusion systématique » des femmes et des filles de pratiquement tous les aspects de la vie, « est sans équivalent dans le monde ».
« En plus de l’interdiction faite aux filles de fréquenter l’école secondaire, il suffit de penser à toutes les femmes médecins, avocates et enseignantes qui ont été, et qui seront, perdues pour le développement du pays », a regretté M. Türk.
ONU-Femmes, dans un communiqué, s'est insurgé contre « cette décision consternante et à courte vue ».
« Les femmes ont toujours joué un rôle clé dans le développement de l’Afghanistan et dans le soutien à sa paix, sa sécurité et sa résilience, a déclaré Sima Bahous, Directrice exècutive d'ONU-Femmes.
Face à des défis incroyables, les femmes afghanes ont continué d’aller à l’université. Ces institutions étaient parmi les derniers endroits où elles pouvaient se réunir et continuer à apprendre. Mettre fin à l’enseignement supérieur des femmes, c’est ignorer leurs contributions historiques et les couper de leur potentiel futur autant que du potentiel de leur pays»
Le chef de l’ONU « alarmé » par l’interdiction d’accéder à l’université pour les femmes

© UNICEF/Shehzad Noorani
De jeunes Afghanes au Centre Educatif de Dasht-e-Barchi en Afghanistan
« Un impact dévastateur sur l’avenir du pays »
« Le Secrétaire général réitère que le refus de l’éducation non seulement viole l’égalité des droits pour les femmes et les filles, mais aura un impact dévastateur sur l’avenir du pays », a déclaré son porte-parole Stéphane Dujarric dans un communiqué.
Il exhorte les autorités de facto à garantir l’égalité d’accès des femmes et des filles à l’éducation à tous les niveaux.
Hier déjà, la Représentante spéciale de l’ONU pour l’Afghanistan avait qualifié cette décision de « préjudiciable » aux femmes, mais aussi à l’Afghanistan dans son ensemble.
« Je suis très attristée par la nouvelle largement diffusée ce matin selon laquelle le ministre taliban de l’enseignement supérieur a interdit aux femmes de fréquenter les universités », a dit dans un communiqué Roza Otunbayeva, cheffe de la Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA).
Après l’interdiction de l’enseignement secondaire aux filles en mars dernier, « une autre décision sévère a été prise pour interdire l’enseignement universitaire ». « Je regrette que les talibans ne semblent pas penser à l’avenir de l’Afghanistan et à la manière dont les femmes peuvent contribuer à l’économie, à l’éducation et à la culture », a conclu Mme Otunbayeva.
ONU Femmes France alerte sur la situation des femmes en Afghanistan

La situation s’aggrave de jour en jour.
Le retour au pouvoir des talibans s'accompagne d'importantes violations des droits des femmes et des filles.
Toutes leurs libertés sont restreintes, en particulier leur liberté d’expression, de mouvement et de réunion, ainsi que le refus de leur droit au travail et à l’éducation.
Parmi les 250 000 Afghan.e.s forcé.e.s à fuir depuis la fin du mois de mai 2021, 80% sont des femmes et des enfants
Moins de 100 des 700 femmes journalistes de Kaboul travaillent encore
Aucune femme ne fait partie du gouvernement
Les femmes et les filles sont exclues de la vie politique et publique du pays, en témoignent les représailles contre les femmes politiciennes et fonctionnaires, ainsi que l’absence des femmes dans le gouvernement des talibans et la suppression du « Ministère de la Condition féminine » substitué par le « Ministère de la Propagation de la vertu et de la Prévention du vice ».
Depuis mai 2022, les talibans ordonnent aux femmes de rester chez elles et de se couvrir en public.
Lors de la table ronde « Le droit des femmes au défi des conflits armés » organisé le 19 mai dernier à Sciences Po Paris, Parwana Paikan, conseillère spécialisée de l’Ambassade d’Afghanistan en France, poussait un cri d’alarme : « Depuis leur prise de contrôle de l'Afghanistan, les talibans n’ont pas tenu leurs promesses envers les femmes et les filles. Ils sont en guerre contre les populations féminines et ne s’arrêteront pas là. »....
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